- Retrouvez Ingvild Eiring en exclusivité dans Normal Magazine -
INTERVIEW EXCLUSIVE
Qu'est ce qui t'a poussé dans les bras cet art ?
J’ai fait un shooting test avec Julie Loen, dont j’avais remarqué les photos érotiques et surréalistes lors d'une exposition. Je m’intéresse depuis des années à l’art érotique, photos, dessins, livres… Il m’a semblé naturel de poursuivre cette piste et de poser pour ce genre d’images. C’est l’expérience la plus amusante que j’ai vécue depuis longtemps. J’ai beaucoup aimé, les résultats étaient géniaux et je me suis fait un portfolio en ligne qui a vite attiré l’attention de photographes à Londres, Paris et ailleurs. Ensuite, je ne me suis plus arrêtée. La boule de neige a commencé à rouler de plus en plus vite, j’avais découvert ma nouvelle passion !
Comment sont nées tes collaborations avec les photographes ?
Poser est ma passion, pas mon travail, le temps que je peux y consacrer a toujours été limité, et j’ai dû être très sélective. Je travaille avec peu de gens. La plupart des photographes pour qui je pose maintenant sont ceux avec qui je collabore déjà depuis des années. Une fois de temps en temps seulement, je contacte quelqu’un d’autre. J’ai besoin de me sentir vraiment inspirée par les visions et les photos, de partager le même genre d’esthétique que le photographe pour travailler avec lui. Si je suis curieuse de son univers au point de vouloir en faire partie, y apporter quelque chose, alors je le contacte. Si la connexion se fait, on décide de programmer quelque chose.
Quel regard portes-tu sur le nu ?
J’imaginais le nu comme quelque chose de très sexy et excitant. Je ne savais pas que ça pouvait être aussi gratifiant émotionnellement, également. Un exutoire créatif qui permet de s’exprimer, d’explorer des sentiments et des émotions, de raconter des histoires. Le fait d’être nue est secondaire pour moi. C’est par le nu que j’ai commencé et j’y suis habituée, je me sens à l’aise lorsque je suis nue. Plus en confiance qu’habillée, en fait. Si je fais quelque chose d’explicitement sexuel ou érotique, être nue ou à demi nue est une part importante de l’expérience. Tout dépend du shooting. Mais j’adore être nue devant un appareil photo. Je suis exhibitionniste, mais surtout, être nue me fait sentir plus vulnérable et ouverte, ce qui m’aide pour les photos.
Tu travailles dans le cinéma, et plus exactement dans les vêtements et le stylisme, n'y a-t-il pas une contradiction ?
J’adore le cinéma et mon travail de costumière. Habiller les autres et aider à raconter des histoires en trouvant les costumes adéquats m’amuse beaucoup. Je pense tout le temps aux vêtements pour les autres. Je pose durant mon temps libre, c’est mon hobby et ma passion, quelque chose de différent, l’objectif est différent. Je n’ai pas besoin d’être nue, mais je ne veux pas m’occuper de mon costume quand je pose. En fait, je n’ai pas beaucoup de temps, et c’est plus facile de venir à un shooting avec une paire de chaussures et quelques robes que d’élaborer un costume complet. De plus, je suis perfectionniste, je voudrais faire beaucoup de choses pour lesquelles je n’ai simplement pas de temps. Dessiner des robes géniales, créer des coiffes… Un jour peut-être. Mais c’est un grand avantage d’avoir de l’expérience en cinéma. Je pense en images tout le temps. Et je peux toujours prendre ce dont j’ai besoin aux studios à Oslo, si j’en parle avec le photographe à l’avance. J’amène souvent des petits objets, parfois des pièces anciennes uniques ou des vêtements originaux que je loue. Mais j’aime utiliser les vêtements comme accessoires ou comme point de départ. De l’art et de la photo érotique, voilà ce que je veux faire, être nue ou semi-nue marche mieux pour ce genre d’images.
Quelle est la frontière entre le nu et l'érotisme ?
Pas vraiment. Les gens voient différentes choses comme provocantes. Certains sont choqués à la vue d’un sein. Chacun à ses limites. Pour ce qui me concerne, j’aime la provocation. Et j’aime provoquer. Une bonne photo vous fait ressentir quelque chose. Je reçois beaucoup de retours sur mes photos, et j’apprécie beaucoup ça. La semaine dernière, on m’a dit que je ne suis pas une modèle classique, que je jette un pont entre l’art et l’érotique de qualité. « C’est génial, mais peut-être un peu trop pour les gens ordinaires ». J’ai beaucoup apprécié le compliment. Quelqu’un d’autre m’a dit : « vos photos sont provocantes et émouvantes de manière difficilement descriptible. » Les retours de ce genre sont vraiment inspirants. J’aime faire ressentir quelque chose aux gens.
Le modèle est-il le point de départ d'une photographie ?
Ca dépend. Certains photographes veulent créer des images avec moi à cause de qui je suis et ce que j’exprime, et mon apparence. Ils travaillent avec moi si je suis le modèle qu’ils voient en imaginant la photo, si j’ai les qualités dont ils ont besoin pour une certaine vision. Et dans certains cas, juste la rencontre entre deux personnes, l’alchimie entre modèle et photographe, une inspiration mutuelle, la connexion elle-même est le point de départ.
Qu'est ce que tu préfères dans le fait d'être modèle ?
Rencontrer des artistes intéressants. Collaborer avec des gens bien. Voyager. Avoir une excuse pour faire des trucs dingues. Repousser les limites. Recevoir des décharges d’adrénaline après avoir fait quelque chose de très difficile ou d’un peu dangereux.
Te sens-tu plus désirée depuis que tu poses nue ?
Pas dans ma vie de tous les jours. En ligne oui, mais c’est superficiel. Je reçois parfois des compliments pour mon apparence, c’est forcément agréable, mais pour être honnête, je préfère quand les gens se disent touchés par mes photos d’une façon ou d’une autre. Mais sans aucun doute, poser m’a rendue plus confiante. Non pas que j’ai changé de vue sur mon apparence, mais à cause d’expériences, bonnes ou mauvaises. Les voyages, les défis, les gens que j’ai rencontrés et le talent que j’ai développé. Créer des images puissantes me fait sentir bien. Presque en altitude.
Studio ou extérieur ?
Ça n’a pas d’importance du moment qu’il y a quelque chose d’inspirant. Accessoire, nature, atmosphère, son, lumière… C’est parfois inconfortable de shooter en extérieur quand il fait froid, mais finalement, je suis plus inspirée quand je souffre un peu que quand je suis trop en confort.
Pour qui aimerais tu poser ?
Ellen von Unwerth. Je pense que ce serait vraiment amusant !
Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir modèle ?
Je pense que des qualités importantes pour un modèle sont d’être aventureuse, ouverte d’esprit, facile à vivre et ne pas prendre les choses trop sérieusement.
Ton livre de chevet ?
Chez Pazienza: Dead Star Twilight
Ton principal trait de caractère ?
Intense. Créative. Drôle. Gentille.
Tes projets ?
J’ai déjà publié un livre-photo, j’ai l’idée pour un prochain. Je travaille aussi sur une série de dioramas miniatures qui mettent en scène des souris dans une ambiance victorienne glauque. C’est un énorme projet qui prend beaucoup de temps. Mais je suis très motivée. Je fais des petites sculptures, des souris, je créée les costumes et les intérieurs… Il y a une histoire pour chaque pièce, toutes lugubres. Je présenterai le projet en 2017.
Le nu féminin a sans doute plus de succès que le nu masculin. Comment expliques-tu cela ?
Je peux uniquement parler pour moi. Le corps des hommes peut-être magnifique, mais je n’ai qu’un seul livre-photo avec des nus masculins, contre une cinquantaine avec des nus féminins. J’ai juste toujours aimé regarder des photos de femmes. C’est plus intéressant, plus beau et sensuel. Et c’est aussi une question de culture.